Traité transatlantique - Les peuples, l’environnement et la démocratie avant les profits et les droits des multinationales

Texte publié le 22 mai 2014.

Déclaration conjointe des organisations de la Société civile européenne engagées contre les menaces du TTIP. Mai 2014

1/ Qui sommes-nous ?
Nous sommes une coalition d’organisations de la société civile européenne qui partagent les profondes inquiétudes à l’égard des différentes menaces présentes dans le Transatlantic Trade and Investment Partnership TTIP (également connu sous le nom de Transatlantic Free Trade Agreement ou TAFTA). Nous représentons un large éventail d’intérêts publics comprenant la protection de l’environnement, la santé publique, l’agriculture, les droits des consommateurs et la protection des standards de contrôle dans l’alimentation et l’élevage, le respect des animaux, les acquis dans le social et le travail, les droits des travailleurs, le développement, l’accès du public à l’information et les droits des internautes, les services publics essentiels incluant l’éducation, l’intégrité des systèmes financiers et autres.
Nous sommes fortement engagés dans la lutte contre les négociations en cours sur le TTIP, afin d’assurer la transparence et la démocratie du débat politique. Tout accord doit servir les intérêts publics et notre avenir commun.

2/ Qu’est-ce que le TTIP ?
Le TTIP est un accord de grande portée qui se négocie actuellement entre la Commission Européenne (au nom des Etats Membres de l’UE) et le gouvernement américain. Cela ne touche pas tant les échanges commerciaux, dont les tarifs sont déjà majoritairement assez bas entre l’Europe et les USA, mais principalement les régulations, standards, droits des multinationales et garanties d’investissements.
Le TTIP proposé vise soi-disant à faciliter les investissements directs et à éliminer les obstacles administratifs inutiles à l’accès au marché pour les multinationales de chaque côté de l’Atlantique.
Cependant, les éléments connus quant aux positions du business et de l’industrie montrent que la focalisation sur des barrières non-tarifaires et des convergences de régulations, est utilisée pour permettre la dérégulation, offrir davantage de protections aux investisseurs, orienter les dispositions relatifs aux droits de propriété intellectuelle vers la création de monopoles et une course systématique au moins-disant. Les bénéfices économiques proclamés, mais non confirmés, sont très marginaux pour l’ensemble de la société, même dans le meilleur des scénarios. Toutes les indications collectées suggèrent que ces objectifs menacent des droits majeurs acquis lors de longues luttes démocratiques, ainsi que l’intérêt public en Europe, aux USA et dans le reste du monde.
Les négociations se déroulent à huis clos, sans consultation exhaustive et effective du public. Les parlements nationaux ne sont même pas informés des détails des textes de négociation de la Commission, mais les rares bribes d’information fournies -ou ayant fuité- soulèvent de considérables inquiétudes.

3. Quelles sont nos inquiétudes ?
 Le manque de transparence et de démocratie dans le processus, qui rend impossible pour les citoyens et la société civile de superviser les négociations de façon à assurer que la protection de l’intérêt public soit garantie. Actuellement ces négociations sont extrêmement partiales : les lobbies du business ont un accès privilégié aux informations et l’opportunité d’influencer les négociations.
 Le volet relatif aux investissements, particulièrement la clause d’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends Investisseur-État (RDIE, ou Investor State Dispute Settlement, ISDS). Les dispositifs de l’ISDS donnent aux investisseurs les droits de poursuivre les Etats quand des décisions démocratiques -prises par des institutions publiques dans l’intérêt public- sont supposées avoir un impact négatif sur leurs profits anticipés. Ces dispositifs opèrent en dehors des tribunaux nationaux et compromettent notre système légal national ou européen et nos structures démocratiques votant des lois dans l’intérêt public.
 La création de structures et de procédures nouvelles et anti-démocratiques, tendant à « harmoniser les régulations » comme la proposition du Conseil de coopération réglementaire. Ces structures feront du TTIP une cible en mouvement constant, développée en secret par des bureaucrates non élus et des représentants des multinationales. Ces structures anti-démocratiques menacent d’abaisser des normes et des règles importantes conçues dans l’intérêt de la protection du public, ou d’interdire des améliorations futures, sans prendre en compte les besoins ou les politiques publiques. Nous sommes aussi inquiets de la perspective du renforcement de la protection et de l’application des « droits de propriété intellectuelle » qui pourraient invalider nos droits à la santé, à l’éducation et à la culture, ainsi qu’à la libre expression.

4. Nos exigences et nos buts communs :
En nous basant sur les valeurs de solidarité internationale, de justice sociale, de protection de l’environnement et le respect des droits de l’homme, nous travaillons avec nos partenaires aux USA et dans d’autres parties du monde et nous exigeons :
a) La transparence maintenant : les textes de négociation de la Commission Européenne ainsi que tous ses documents doivent être rendus publics pour permettre un débat ouvert et critique sur le TTIP.
b) Un processus démocratique - incluant l’examen approfondi et l’évaluation des textes de négociation- qui assure que les décisions sont prises dans l’intérêt public et qui implique le Parlement européen, des débats avec les parlements nationaux, les organisations de la société civile, les syndicats et tous les groupes concernés.
c) Pas d’ISDS : toute clause contenant un dispositif de règlement des différends Investisseurs États (Investor State Dispute Settlement ISDS), doit être éliminée définitivement des négociations, et aucun autre dispositif ne doit être introduit (y compris indirectement à travers d’autres accords commerciaux préexistants ou ultérieurs), qui octroierait des privilèges aux investisseurs.
d) Pas de Conseil de coopération réglementaire : toute régulation des affaires, des conditions commerciales, des nomenclatures de produits et standards de production, doit dépendre d’institutions et de processus démocratiquement contrôlés.
e) Pas de dérégulation des législations sauvegardant et servant les intérêts publics : le niveau des législations sociales et du travail, la protection des consommateurs et de la santé publique, la protection de l’environnement, y compris la régénération des ressources naturelles, le bien-être animal, les standards d’hygiène alimentaire et les pratiques agricoles soucieuses du développement durable, l’accès à l’information et l’étiquetage, la culture et la médecine, la régulation des marchés financiers, ainsi que la protection des données personnelles ont besoin d’être améliorés, non « harmonisés » vers le plus petit dénominateur commun. La reconnaissance mutuelle n’est pas acceptable si elle compromet les standards et les dispositifs de sécurité démocratiquement choisis. Le principe de précaution doit être largement appliqué.
f) Pas d’autre dérégulation ou d’autre privatisation des services publics : nous exigeons un accès garanti à une éducation de haute qualité, à un système de protection médicale et autres services publics, et une action des pouvoirs publics qui promouvra les emplois locaux, l’économie locale, la discrimination positive, l’esprit d’entreprise, l’économie solidaire et qui servira les intérêts publics.
g) La promotion de pratiques agricoles favorisant la protection de l’environnementet la protection des agricultures familiales.
h) Les autorités publiques doivent conserver le pouvoir politique, maintenir les structures nécessaires à la sauvegarde de certains secteurs sensibles et des standards importants défendant notre qualité de vie. Les violations continuelles du droit du travail devront être sanctionnées par des amendes.

Tout accord commercial entre les Etats-Unis et l’Union européenne, maintenant et dans l’avenir, devrait répondre à ces exigences, suivre ces principes et promouvoir la coopération, la justice sociale et l’écologie durable.